samedi 20 mars 2010

(92)– DE MANOSQUE A LA LOUISIANE EN 1823 - M.A.J. du 23/11/2014

Il y a une dizaine d'années je m'intéressais à l'histoire postale de Haïti avant son indépendance en 1804, quand ce pays était alors la plus grande et la plus riche colonie française et s'appellait Saint Domingue. Je fus alors obligé de m'intéresser parallèlement aux relations postales maritimes entre la France et le continent américain et j'ai même envisagé d'en faire une collection. J'ai rapidement abandonné cette idée devant l'ampleur du sujet et le prix des pièces à acquérir. J'ai aussi abandonné ma collection de Saint Domingue et revendu toutes mes pièces. Cependant j'avais eu l'occasion auparavant d'acquérir quelques lettres ayant effectué le trajet intercontinental. Il ne m'en reste que trois dans ma collection dont je ne me suis jamais résolu à me séparer. Ces trois lettres sont de la même archive, c'est à dire qu'elles ont la même origine.


Une seule présente un réel intérêt postal car les marques qu'elle porte sont pour la plupart bien frappées. Les autres sont visibles après ce texte. Je vais vous la montrer et essayer d'en faire l'analyse.

Commençons d'abord par la face portant l'adresse.




L'étude commence par le recensement et l'interprétation des toutes les marques qu'elles soient manuscrites ou portées au tampon:
- L'adresse occupe presque toute le devant de la lettre elle se lit:
«  A Monsieur
Maurin
Antoine en son habitation pour remettre
s'il lui plait à Auguste
Bonnet géomètre à Donaldsonville
par la Nouvelle Orléans
A Donaldsonville
Colonies d'Amérique »
En haut à gauche la mention « Louisiane » est conforme à l'usage de l'époque d'indiquer ainsi le pays de destination.
- La mention de « Colonies d'Amérique » est étonnante cette lettre datée de St Michel (probablement St Michel l'Observatoire) le 10 Février 1823, (voir le texte plus bas) la Louisiane n'était plus une colonie française. Elle avait été vendue aux Etats Unis d'Amérique par Napoléon en 1803 et était devenue ensuite un de ses états en 1806. Ces mentions sont probablement la survivance d'une pratique antérieure devenue obsolète.
- Le « 2 » au dessus de « Louisiane » indique qu'il s'agit d'un duplicata. En effet au temps de la marine à voile, les voyages des navires étaient très risqués et la transmission peu certaine. Ainsi il était d'usage pour les courriers importants de les envoyer en double à quelques jours d'écart ou par deux voies différentes. (** voir note ci-dessous)
- La marque à l'encre noire P 5 P MANOSQUE en haut à droite et le trait d'encre barrant la lettre en diagonale sont probablement de la même origine. Elles ont été portées par le bureau de Manosque dont le numéro du département, les Basses Alpes était alors le 5. Elle indique que le port de cette lettre a été payé au bureau de Manosque, au moins pour la partie de son trajet sur le territoire français.
-Au dessous la marque rouge vif « SHIP » et celle en bas à droite « NEW YORK MAY 9 » sont de la même origine, celle du bureau de New York et indiquent le point et le jour d'entrée (9 Mai) de la lettre sur le territoire américain.
- En haut à gauche la marque rouge foncé « NEW ORL. L. JUN 9 » indique sont passage à la Nouvelle Orléans, capitale de la Louisiane le 9 Juin.
- Au milieu entre les lignes de l'adresse, sous la marque SHIP, on distingue une mention manuscrite à l'encre qui a dû être rouge.

Je n'arrive pas à la déchiffrer. Elle est suivie du nombre 27.
Il représente le montant de la taxe payée par le destinataire soit 25 cents pour le trajet New-York – Nouvelle-Orléans et 2 cents pour la part maritime du trajet qui correspond à la rémunération du capitaine du navire. Il est à noter que si c'est un navire non américain (non-US) qui a porté cette lettre, la taxe sera perçue mais non reversée. (*)

Le dos de cette lettre est lui aussi porteur d'informations intéressantes.



Au centre la mention sur 2 lignes:
Aff(ranchissemen)t jusqu'à Calais                11
Décime d'outre mer                                              1
                                                                                   12d.
Matérialise le montant du port payé. Comme cette lettre était à destination de l'étranger, les parts françaises et maritimes du port devait être payées par l'expéditeur. Le tarif utilisé est celui de 1810 . L'unité monétaire « d. » désigne le décime, soit 10 centimes.

Au dessus la marque rouge partielle, je ne suis jamais arrivé à la déchiffrer. Je pense qu'il peut s'agir de la marque de l'expéditeur, car elle devait être en partie couverte par un cachet de cire. Mais n'en suis pas sûr.

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Cette note me donne l'occasion de dire qu'elle a été discutée sur les trois forums indiqués dans la colonne à gauche entre Avril et mai 2009.

Cela a permis entre autre de trouver la tombe de Antoine MAURIN, le destinataire de cette lettre



Cette photo se trouve sur le site flickr.com . « Rodney » l'un des participants du forum anglais l'a trouvée sur le blog suivant

S'il fallait le prouver internet est réellement un outil collectif et participatif de la recherche en histoire postale.

(*) - les informations concernant la taxe m'ont été communiquées par Mr. Douglas N. Clark, président de la Postal History Society http://www.stampclubs.com/phs/ en décembre 2009.
(**) - note du 23/11/2014 - Il semblerait que la mention: "Le « 2 » au dessus de « Louisiane » indique qu'il s'agit d'un duplicata." semble inexacte. En effet sur mon forum préféré ce sujet a été discuté. Le chiffre 2 est le numéro d'ordre d'inscription sur le registre des ports payés.
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Ci dessous les images des deux autres lettres. Je pense qu'elles ont été acheminées vers le destinataire en « voie privée » à l'insu des postes de la France et des Etats Unis. Celle du haut a été soit remise en main propre, soit était à l'intérieur d'une autre lettre. La seconde n'a été postée qu'à la Nouvelle Orléans. Elles datent toutes deux de 1820. Je suis incapable de dire comment toutes les trois sont revenues en France.



Pour les curieux, voici le texte de la lettre étudiée ici.


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